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Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/37

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Scène IX

La scène change et représente une prairie où de loin paissent des moutons.
SILVIA, UNE DE SES COUSINES.
Silvia.

Arrête-toi un moment, ma cousine ; je t’aurai bientôt conté mon histoire, et tu me donneras quelque avis. Tiens, j’étais ici quand il est venu ; dès qu’il s’est approché, le cœur m’a dit que je l’aimais ; cela est admirable ! Il s’est approché aussi ; il m’a parlé. Sais-tu ce qu’il m’a dit ? Qu’il m’aimait aussi. J’étais plus contente que si on m’avait donné tous les moutons du hameau. Vraiment ! je ne m’étonne pas si toutes nos bergères sont si aises d’aimer ; je voudrais n’avoir fait que cela depuis que je suis au monde, tant je le trouve charmant. Mais ce n’est pas tout, il doit revenir ici bientôt ; il m’a déjà baisé la main, et je vois bien qu’il voudra me la baiser encore. Donne-moi conseil, toi qui as eu tant d’amants ; dois-je le laisser faire ?

La Cousine.

Garde-t’en bien, ma cousine ; sois bien sévère ; cela entretient la passion d’un amant.

Silvia.

Quoi ! il n’y a point de moyen plus aisé que cela pour l’entretenir ?

La Cousine.

Non ; il ne faut point aussi lui dire tant que tu l’aimes.