Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/412

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Dorante.

Ce coquin ! quelle idée lui prend !

Arlequin.

Coquin est encore bon ; il me convient aussi ; un maraud n’est point déshonoré d’être appelé coquin ; mais un coquin peut faire un bon mariage.

Dorante.

Comment, insolent ! tu veux que je laisse un honnête homme dans l’erreur, et que je souffre que tu épouses sa fille sous mon nom ? Écoute ; si tu me parles encore de cette impertinence-là, dès que j’aurai averti M. Orgon de ce que tu es, je te chasse ; entends-tu ?

Arlequin.

Accommodons-nous ; cette demoiselle m’adore, elle m’idolâtre. Si je lui dis mon état de valet, et que, nonobstant, son tendre cœur soit toujours friand de la noce avec moi, ne laisserez-vous pas jouer les violons ?

Dorante.

Dès qu’on te connaîtra, je ne m’en embarrasse plus.

Arlequin.

Bon ; je vais de ce pas prévenir cette généreuse personne sur mon habit de caractère. J’espère que ce ne sera pas un galon de couleur qui nous brouillera ensemble, et que son amour me fera passer à la table en dépit du sort qui ne m’a mis qu’au buffet.