Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/575

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que réminiscence pour elle. Oui, Dorante, nous étions dans lé tendre. Laisse là l’histoire qu’on té fait, mon ami. Il fâche Madame qué tu la désertes, qué ses appas restent inférieurs ; sa gloire crie, té rédémande, fait la sirène ; qué son chant té trouve sourd. (Montrant la Marquise.) Prends un regard dé ces beaux yeux pour té servir d’antidote ; demeure avec cet objet qué l’amour venge dans mon cœur. Jé lé dis à régret, jé disputerais madame dé tout mon sang, s’il m’appartenait d’entrer en dispute. Possède-la, Dorante, et bénis lé ciel du bonheur qu’il t’accorde. Dé toutes les épouses, la plus estimable, la plus digne dé respect et d’amour, c’est toi qui la tiens ; dé toutes les pertes, la plus immense, c’est moi qui la fais ; dé tous les hommes, lé plus ingrat, lé plus déloyal, en même temps lé plus imbécile, c’est lé malheureux qui té parle.

La Marquise.

Je n’ajouterai rien à la définition ; tout y est.

La Comtesse.

Je ne daigne pas répondre à ce que vous dites sur mon comte, chevalier ; c’est le dépit qui vous l’arrache, et je vous ai dit mes intentions, Dorante ; qu’il n’en soit plus parlé, si vous ne les méritez pas.

La Marquise.

Nous nous aimons de bonne foi ; il n’y a plus de remède, comtesse. Deux personnes qu’on oublie ont bien droit de prendre parti ailleurs. Tâchez tous deux de nous oublier encore ; vous savez comment cela se fait, et cela vous doit être plus aisé cette fois-ci que l’autre. (Au notaire.) Approchez, monsieur. Voici le contrat qu’on nous apporte à signer, Dorante ; priez madame de vouloir bien l’honorer de sa signature.