Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/574

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La Marquise, riant.

Ah ! ah ! ah ! Je pense qu’il n’est plus temps, madame ; du moins je m’en flatte. Mais tenez, si vous m’en croyez, vous serez encore plus généreuse ; vous irez jusqu’à lui pardonner les nœuds qui vont nous unir.

La Comtesse.

Et moi, Dorante, vous me perdez pour jamais si vous hésitez un instant.

Le Chevalier.

Jé démande audience. Jé perds madame la marquise, et j’aurais tort dé m’en plaindre. Jé mé suis trouvé défaillant dé fidélité ; jé né sais comment, car lé mérite dé madame m’en fournissait abondance ; et c’est un malheur qui mé passe. En un mot, jé suis infidèle, jé m’en accuse ; mais jé suis vrai, jé m’en vante. Il né tiendrait qu’à moi d’user dé réprésailles, et dé dire à madame la comtesse : Vous mé trompiez, jé vous trompais. Mais jé né suis qu’un homme, et jé n’aspire pas à cé dégré dé finesse et d’industrie. Voici lé compte juste. Vous avez contrefait dé l’amour, dites-vous, madame. Jé n’en valais pas davantage ; mais votre estime a surpassé mon prix. Né rétranchez rien du fatal honneur qué vous m’avez fait ; jé vous aimais, et vous mé lé rendiez cordialement.

La Comtesse.

Du moins l’avez-vous cru.

Le Chevalier.

J’achève. Jé vous aimais, un peu moins qué madame. Jé m’explique. Elle avait dé mon cœur une possession plus complète ; jé l’adorais ; mais jé vous aimais, sandis ! passablement, avec quel-