Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/70

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aime ; le répète-t-elle ? vous l’apprenez toujours, vous ne le saviez pas encore : ici par une impatience, par une froideur, par une imprudence, par une distraction, en baissant les yeux, en les relevant, en sortant de sa place, en y restant ; enfin c’est de la jalousie, du calme, de l’inquiétude, de la joie, du babil, et du silence de toutes couleurs. Et le moyen de ne pas s’enivrer du plaisir que cela donne ! Le moyen de se voir adorer sans que la tête vous tourne ! Pour moi, j’étais tout aussi sot que les autres amants ; je me croyais un petit prodige, mon mérite m’étonnait ; ah ! qu’il est mortifiant d’en rabattre ! C’est aujourd’hui ma bêtise qui m’étonne ; l’homme prodigieux a disparu, et je n’ai trouvé qu’une dupe à la place.

Arlequin.

Eh bien ! monsieur, queussi, queumi ; voilà mon histoire, j’étais tout aussi sot que vous. Vous faites pourtant un portrait qui fait venir l’envie de l’original.

Lélio.

Butor que tu es ! Ne t’ai-je pas dit que la femme était aimable, qu’elle avait le cœur tendre, et beaucoup d’esprit ?

Arlequin.

Oui. Est-ce que tout cela n’est pas bien joli ?

Lélio.

Non ; tout cela c’est affreux.

Arlequin.

Bon ! bon ! c’est que vous voulez m’attraper peut-être.