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Lélio.

Le tigre enfin paraît après les perles, et ce tigre, c’est un caractère perfide retranché dans l’âme de ta maîtresse ; il se montre, il t’arrache son cœur, il déchire le tien ; adieu tes plaisirs ; il te laisse aussi misérable que tu croyais être heureux.

Arlequin.

Ah ! c’est justement la bête que Margot a lâchée sur moi, pour avoir aimé son argent, son or et ses perles.

Lélio.

Les aimeras-tu encore ?

Arlequin.

Hélas ! monsieur, je ne songeais pas à ce diable qui m’attendait au bout. Quand on n’a pas étudié, on ne voit pas plus loin que son nez.

Lélio.

Quand tu seras tenté de revoir des femmes, souviens-toi toujours du tigre, et regarde tes émotions de cœur comme une envie fatale d’aller sur sa route et de te perdre.

Arlequin.

Oh ! voilà qui est fait ! je renonce à toutes les femmes et à tous les trésors du monde, et je m’en vais boire un petit coup pour me fortifier dans cette bonne pensée.



Scène III

LÉLIO, JACQUELINE, PIERRE.
Lélio.

Que me veux-tu, Jacqueline ?