Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/188

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devant lui qu’il l’aimait depuis longtemps et qu’il fallait qu’ils se mariassent ; je le voudrais.

Dubois.

Bagatelle ! Dorante n’a vu Marton ni de près ni de loin ; c’est le procureur qui a débité cette fable-là à Marton dans le dessein de les marier ensemble. « Et moi je n’ai pas osé l’en dédire, m’a dit Dorante, parce que j’aurais indisposé contre moi cette fille, qui a du crédit auprès de sa maîtresse, et qui a cru ensuite que c’était pour elle que je refusais les quinze mille livres de rente qu’on m’offrait. »

Araminte, négligemment.

Il t’a donc tout conté ?

Dubois.

Oui, il n’y a qu’un moment, dans le jardin, où il a voulu presque se jeter à mes genoux pour me conjurer de lui garder le secret sur sa passion et d’oublier l’emportement qu’il eut avec moi quand je le quittai. Je lui ai dit que je me tairais, mais que je ne prétendais pas rester dans la maison avec lui et qu’il fallait qu’il sortît ; ce qui l’a jeté dans des gémissements, dans des pleurs, dans le plus triste état du monde.

Araminte.

Eh ! tant pis ; ne le tourmente point. Tu vois bien que j’ai raison de dire qu’il faut aller doucement avec cet esprit-là ; tu le vois bien. J’augurais beaucoup de ce mariage avec Marton ; je croyais qu’il m’oublierait ; et point du tout, il n’est question de rien.