Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Araminte.

Eh bien ! tais-toi donc, tais-toi ; je voudrais pouvoir te faire oublier ce que tu m’as dit.

Dubois.

Oh ! je suis bien corrigé.

Araminte.

C’est ton étourderie qui me force actuellement de te parler, sous prétexte de t’interroger sur ce que tu sais de lui. Ma mère et monsieur le comte s’attendent que tu vas m’en apprendre des choses étonnantes ; quel rapport leur ferai-je à présent ?

Dubois.

Ah ! il n’y a rien de plus facile à raccommoder ; ce rapport sera que des gens qui le connaissent m’ont dit que c’était un homme incapable de l’emploi qu’il a chez vous, quoiqu’il soit fort habile, au moins ; ce n’est pas cela qui lui manque.

Araminte.

À la bonne heure ; mais il y aura un inconvénient. S’il en est incapable, on me dira de le renvoyer, et il n’est pas encore temps ; j’y ai pensé depuis ; la prudence ne le veut pas, et je suis obligée de prendre des biais, et d’aller tout doucement avec cette passion si excessive que tu dis qu’il a et qui éclaterait peut-être dans sa douleur. Me fierai-je à un désespéré ? Ce n’est plus le besoin que j’ai de lui qui me retient ; c’est moi que je ménage. (Elle radoucit le ton.) À moins que ce qu’a dit Marton ne soit vrai ; auquel cas je n’aurais plus rien à craindre. Elle prétend qu’il l’avait déjà vue chez M. Remy, et que le procureur a dit même