Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/336

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et s’il ne faut pas m’enfermer, c’est que je ne suis qu’affligé, et non pas insensé. Il est encore vrai que je soupire et que je meurs d’être méprisé : oui, je m’en meurs ; oui, vos railleries sont cruelles ; elles me pénètrent le cœur, et je le dirai toujours. Adieu, madame ; voici Ergaste, cet homme si sincère, et je me retire. Jouissez à loisir de la froide et orgueilleuse tranquillité avec laquelle il vous aime.

La Marquise, le voyant s’en aller.

Il en faut convenir ; ces dernières fictions-ci sont assez pathétiques.



Scène XII

LA MARQUISE, ERGASTE.
Ergaste.

Je suis charmé de vous trouver seule, marquise ; je ne m’y attendais pas. Je viens d’écrire à mon frère à Paris ; savez-vous ce que je lui mande ? ce que je ne vous ai pas encore dit à vous-même.

La Marquise.

Quoi donc ?

Ergaste.

Que je vous aime.

La Marquise, riant.

Je le savais ; je m’en étais aperçue.

Ergaste.

Ce n’est pas là tout ; je lui marque encore une chose.