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Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/467

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Lucidor.

Quoi ?

Frontin.

C’est qu’en venant, j’ai rencontré près de l’hôtellerie une fille qui ne m’a pas aperçu, je pense, qui causait sur le pas d’une porte, mais qui m’a bien la mine d’être une certaine Lisette que j’ai connue à Paris, il y a quatre ou cinq ans, et qui était à une dame chez qui mon maître allait souvent. Je n’ai vu cette Lisette-là que deux ou trois fois ; mais comme elle était jolie, je lui en ai conté tout autant de fois que je l’ai vue ; et cela vous grave dans l’esprit d’une fille.

Lucidor.

Mais, vraiment, il y en a une chez madame Argante de ce nom-là, qui est du village, qui y a toute sa famille, et qui a passé en effet quelque temps à Paris avec une dame du pays.

Frontin.

Ma foi, monsieur, la friponne me reconnaîtra : il y a de certaines tournures d’hommes qu’on n’oublie point.

Lucidor.

Tout le remède que j’y sache, c’est de payer d’effronterie et de lui persuader qu’elle se trompe.

Frontin.

Oh ! pour de l’effronterie, je suis en fonds.

Lucidor.

N’y a-t-il pas des hommes qui se ressemblent tant, qu’on s’y méprend ?