Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/468

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Frontin.

Allons, je ressemblerai, voilà tout ; mais dites-moi, monsieur, souffririez-vous un petit mot de représentation ?

Lucidor.

Parle.

Frontin.

Quoique à la fleur de votre âge, vous êtes tout à fait sage et raisonnable ; il me semble pourtant que votre projet est bien jeune.

Lucidor, fâché.

Hein ?

Frontin.

Doucement. Vous êtes le fils d’un riche négociant qui vous a laissé plus de cent mille livres de rente, et vous pouvez prétendre aux plus grands partis. Le minois dont vous parlez là est-il fait pour vous appartenir en légitime mariage ? Riche comme vous êtes, on peut se tirer de là à meilleur marché, ce me semble.

Lucidor.

Tais-toi ; tu ne connais point celle dont tu parles. Il est vrai qu’Angélique n’est qu’une simple bourgeoise de campagne ; mais originairement elle me vaut bien, et je n’ai pas l’entêtement des grandes alliances. Elle est d’ailleurs si aimable, et je démêle, à travers son innocence, tant d’honneur et tant de vertu en elle ; elle a naturellement un caractère si distingué, que, si elle m’aime, comme je le crois, je ne serai jamais qu’à elle.

Frontin.

Comment ! si elle vous aime ? Est-ce que cela n’est pas décidé ?