Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/61

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Phénice.

Sur ce pied-là, finissez donc, ou je vous y forcerai moi-même.

Damis.

Vous me défendrez donc de vous voir ?

Phénice.

Non, monsieur ; mais on s’imagine que vous m’aimez ; vos façons l’ont persuadé à tout le monde ; et je ne le nierai pas, je ne paraîtrai point m’y déplaire, et je vous réduirai peut-être ou à la nécessité de m’épouser en dépit de votre goût, ou à fuir en homme imprudent (j’adoucis le terme), en homme inexcusable, qui n’aura pas rougi de violer tous les égards, et de se moquer tour à tour de deux filles de condition, dont la moindre peut fixer le plus honnête homme ! de sorte que vous risquez ou le sacrifice de votre cœur, ou la perte de votre réputation ; deux objets qui valent bien qu’on y pense. Mais, dites-moi, est-ce que vous n’aimez point ma sœur ?

Damis.

Si je l’épousais, je n’en serais pas fâché.

Phénice.

Ou je n’y connais rien, ou je crois qu’elle ne le serait pas non plus. Pourquoi donc ne vous accordez-vous pas ?

Damis.

Ma foi, je l’ignore.

Phénice.

Mais ce n’est pas là parler raison.

Damis.

Je ne saurais pourtant y en mettre davantage.