Page:Marivaux - Théâtre, vol. II.djvu/63

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elle-même que je sais qu’il ne vous plaît pas, ma fille ! À quoi bon s’en défendre ? Je vous dispense de ces considérations-là pour moi ; et, pour trancher net, vous ne l’épouserez point ; vos dégoûts pour lui n’ont été que trop marqués, et je le destine à votre sœur à qui son cœur se donne, et qui ne lui refuse pas le sien, quoiqu’elle aille de son côté me dire le contraire à cause de vous.

Phénice.

Moi, l’épouser, mon père !

M. Orgon.

Nous y voilà ; je savais votre réponse avant que vous me la fissiez. Je vous connais toutes deux : l’une, de peur de me fâcher, épouserait ce qu’elle n’aime pas ; l’autre, par retenue pour sa sœur, refuserait d’épouser ce qu’elle aime. Vous voyez bien que je suis au fait, et que je sais vous interpréter ; d’ailleurs, je suis bien instruit, et je ne me trompe pas.

Lucile, à part, à Phénice.

Parlez donc ; vous voilà comme une statue.

Phénice.

En vérité, je ne saurais penser que ceci soit sérieux.

Lucile.

Prenez garde à ce que vous ferez, mon père ; vous vous méprenez sur ma sœur, et je lui vois presque la larme à l’œil.

M. Orgon.

Si elles ne sont pas folles, c’est moi qui ai perdu l’esprit : adieu. Je vais informer M. Ergaste du