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Page:Marmette - Heroisme et Trahison - 1880.djvu/206

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auparavant. Ma démarche leur parut sans doute suspecte, car ils n’osèrent venir pour me prendre ni même tirer pour m’ôter la vie. J’éprouvai que quand Dieu gouverne les choses, l’on ne peut que bien réussir.

Depuis que je suis mariée (l’an 1722), je me suis trouvée dans une occasion assez délicate, où il s’agissoit de sauver la vie à M. de la Perrade, mon mari et à moi. Deux Abénakis des plus grands hommes de leur nation étant entrés chef nous cherchèrent querelle à M. de la Perrade. Il leur dit en iroquois sortez d’ici. Ils sortirent tous deux très-fâchés. Leur sortie qui fut fort brusque nous fit croire la querelle finie. Nous n’examinâmes point leur démarche, persuadés qu’ils avoient pris le parti de s’en aller. Dans un moment nous fûmes fort surpris de les entendre tous dans le tambour de la maison, faisant le cri de mort et disant : Tagariauguen qui est le nom iroquois de mon mari « tu es mort. » Ils étoient armés l’un d’un casse-tête et l’autre d’une hache. Celui-ci enfonce, brise la porte à coups de hache, entre comme furieux, la rage peinte sur le visage, lève la hache sur la tête de M. de la Perrade, qui fut assez adroit et assez heureux pour parer le coup en se jetant à corps perdu sur le sauvage ; mais il étoit trop faible pour pouvoir résister longtemps à un sauvage d’une stature gigantesque et dont les forces répondoient à La haute taille. Un homme de résolution qui se trouva fort à propos à la porte de la maison, donna du secours à M. de la Perrade. Le sauvage qui étoit armé d’un casse-tête, voyant son compagnon en presse, entre, lève le bras pour décharger son coup sur la tête de mon mari ; résolue de périr avec lui, et suivant les mouvemens de mon cœur, je sautai, ou plutôt je volai vers ce sauvage. J’empoigne son casse-tête, je