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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/285

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liation si je n’avois eu la présence d’esprit d’en éviter le ridicule en posant sur la tête de Mlle Clairon cette couronne de laurier qu’on m’offroit si mal à propos. Je ne rappelle ici cet incident que pour faire voir avec quelle assurance M. de La Popelinière avoit compté sur le succès de mon ouvrage. Il persista dans l’opinion qu’il en avoit eue, et son amitié redoubla de chaleur pour me tirer de l’abattement où j’étois comme anéanti.

Mon esprit, en se relevant, prit un caractère un peu plus mâle, et même une teinte de philosophie, grâce à l’adversité, grâce peut-être aussi aux liaisons que j’avois formées. Mon enchantement à Passy n’étoit pas tel qu’il me fît oublier Paris ; et, plus souvent que n’eût voulu M. de La Popelinière, j’y faisois de petits voyages. Chez ma bonne Mme Harenc, que je n’ai jamais négligée, j’avois fait connoissance avec d’Alembert et la jeune Mlle de Lespinasse, qui, tous les deux, y accompagnoient Mme du Deffand toutes les fois qu’elle y venoit souper. Je ne fais que nommer ici ces personnages intéressans ; j’en parlerai à loisir dans la suite.

Une autre société où je fus attiré, je ne sais plus comment, fut celle du baron d’Holbach. Ce fut là que je connus Diderot, Helvétius, Grimm, et J.-J. Rousseau avant qu’il se fût fait sauvage. Grimm, alors secrétaire et ami intime du jeune