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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/284

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reste de son rôle, ou plutôt le balbutia d’un air si égaré, si hors de sens, que le pathétique en devint risible ; et l’on sait que, lorsqu’une fois le parterre commence à prendre le sérieux en raillerie, rien ne le touche plus, et, en froid parodiste, il ne cherche plus qu’à s’égayer.

Comme on ne savoit pas dans le public ce qui étoit arrivé dans la coulisse, on ne manqua point d’attribuer au rôle l’extravagance de l’actrice ; et le bruit de Paris fut que le ton de ma pièce étoit d’une familiarité si folle et si plaisante qu’on en avoit ri aux éclats.

Quoique Mlle Du Mesnil ne m’aimât point, comme elle s’attribuoit au moins une partie de ma disgrâce, elle crut devoir faire ses efforts pour la réparer. On redonna, malgré moi, la pièce ; elle fut jouée, par les deux actrices, aussi bien qu’il étoit possible ; le peu de monde qui la voyoit y répandoit de douces larmes ; mais, la prévention contraire une fois établie, le coup étoit porté. Elle ne s’en releva point, et, à la sixième représentation, je voulus qu’on l’interrompît.

Mes enfans auront lu le récit que j’ai fait ailleurs[1] de la fête qui m’attendoit à Passy le jour de la première représentation des Héraclides, et dont le contretemps auroit mis le comble à mon humi-

  1. Dans la préface du Théâtre, éd. de 1787.