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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/287

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toit au clavecin les airs qu’il avoit composés. Nous en étions charmés ; nous ne l’étions pas moins de la manière ferme, animée et profonde dont son premier essai en éloquence étoit écrit. Rien de plus sincère, je dois le dire, que notre bienveillance pour sa personne, et que notre estime pour ses talens. C’est le souvenir de ce temps-là qui m’a indigné contre lui, quand je l’ai vu, pour des fadaises ou pour des torts qu’il avoit lui-même, calomnier des gens qui le traitoient si bien et ne demandoient qu’à l’aimer. J’ai vécu avec eux toute leur vie ; j’aurai lieu de parler de leur esprit et de leur âme. Jamais je n’ai aperçu en eux rien de semblable au caractère que son mauvais génie leur a attribué.

À mon égard, le peu de temps que nous fûmes ensemble dans leur société se passa, entre lui et moi, froidement, sans affection, sans aversion l’un pour l’autre ; nous n’eûmes ni lieu de nous plaindre ni lieu de nous louer de notre façon d’être ensemble ; et, dans ce que j’ai dit de lui, et dans ce que j’en puis dire encore, je me sens parfaitement libre de toute personnalité[1].

  1. Rousseau (Confessions, livre X) prétend qu’il se fit de Marmontel un « irréconciliable ennemi », parce qu’en lui offrant un exemplaire de sa Lettre à d’Alembert, il écrivit sur le titre que ce n’était point pour l’auteur du Mercure, mais pour M. Marmontel. « Il n’a manqué depuis aucune