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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/75

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d’âge, qu’un air de raison, de sagesse, rendoit encore plus imposante, intimidoit mon amour naissant ; mais peu à peu, en essayant de lui faire agréer mes soins, je m’aperçus qu’elle y étoit sensible, et, dès que je pus croire que j’en serois aimé, j’en fus amoureux tout de bon. Je lui en fis l’aveu sans détour, et, sans détour aussi, elle me répondit que son inclination s’accorderoit avec la mienne. Mais vous savez bien, me dit-elle, qu’il faut au moins, pour être amans, pouvoir espérer d’être époux ; et comment pouvons-nous l’espérer à notre âge ? Vous avez à peine quinze ans vous allez suivre vos études ? — Oui, lui dis-je, telle est ma résolution et la volonté de ma mère. — Eh bien ! voilà cinq ans d’absence avant que vous ayez pris un état, et moi j’aurai plus de vingt ans lorsque nous ne saurons encore à quoi vous êtes destiné. — Hélas ! il est trop vrai, lui dis-je, que je ne puis savoir ce que je deviendrai ; mais au moins jurez-moi de ne vous marier jamais sans prendre conseil de ma mère et sans lui demander si je n’ai pas moi-même quelque espérance à vous offrir. » Elle me le promit avec un sourire charmant, et, tout le reste du temps de nos vacances, nous nous livrâmes au plaisir de nous aimer avec l’ingénuité et l’innocence de notre àge. Nos promenades tête à tête, nos entretiens les plus intéressans, se passoient à imaginer pour moi dans l’avenir des pos-