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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/89

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j’en avois une à vous faire bien plus essentielle pour moi. En étudiant, il faut que moi-même j’enseigne, et que vous ayez la bonté de me faire gagner ma vie en me donnant des écoliers. Ma famille est pauvre et nombreuse ; je lui ai déjà trop coûté, je ne veux plus être un fardeau pour elle ; et, en attendant que je puisse aller à son secours, je vous demande ce que dans l’infortune tout homme peut demander sans rougir, du travail et du pain. — Eh ! mon enfant, me dit-il, à votre âge, le moyen de se faire écouter, obéir, respecter parmi ses pareils ? Vous avez à peine quinze ans. — Il est vrai ; mais, mon père, ne comptez-vous pour rien le malheur et son influence ? croyez-vous qu’il n’avance pas l’autorité de la raison et la maturité de l’âge ? Essayez de mon caractère, et vous le trouverez peut-être assez grave pour faire oublier mes quinze ans. — Je verrai, me dit-il, je consulterai. — Non, mon père, il n’y a point à consulter. Il faut dès à présent me mettre sur la liste des répétiteurs du collège et me donner des écoliers. Il n’importe de quelles classes ; ils feront leur devoir, j’ose vous en répondre, et vous serez content de moi. » Il me le promit, quoiqu’un peu foiblement ; et, avec un billet de sa main, j’allai étudier en logique.

Dès le lendemain je crus m’apercevoir que le professeur avoit pris quelque connoissance de moi.