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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T1.djvu/96

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MÉMOIRES DE MARMONTEL

avec elle. Je consultai ma mère sur un point aussi délicat, « Mon fils, elle a droit, me dit-elle, de vous témoigner du dépit, de la colère, et quelque chose même de plus piquant, de la froideur et du dédain. C’est à vous de tout endurer, de lui marquer toujours l’estime la plus tendre, et de traiter avec des ménagemens infinis un cœur que vous avez blessé. »

Mlle B*** fut douce, indulgente, et polie avec réserve et bienséance ; seulement elle eut : soin d’éviter avec moi tout entretien particulier. Ainsi, dans la société, nous fûmes assez bien ensemble pour ne pas laisser croire qu’auparavant nous eussions été mieux.

La seconde année de ma philosophie fut encore plus laborieuse que la première. Mon école étoit augmentée, j’y donnois tous mes soins ; et, de plus, destiné à soutenir des thèses générales, il fallut prendre de longues veilles sur mes nuits pour m’y préparer.

Ce fut le jour où je venois de terminer, par cet exercice public, le cours de ma philosophie, que j’appris l’événement funeste qui nous plongeoit, ma famille et moi, dans un abîme de douleur.

Après mes thèses, selon l’usage, nous faisions, mes amis et moi, dans la chambre du professeur, une collation qu’auroit dû animer la joie ; et, dans les félicitations qui m’étoient adressées, je ne vis