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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/157

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ce un crime que d’être honnête ? depuis quand même est-ce à l’accusé de prouver qu’il est innocent ? et depuis quand l’accusateur est-il dispensé de la preuve ? Je veux bien cependant repousser par des preuves une attaque qui n’en a point ; et mes preuves sont mes écrits, mon caractère assez connu, et la conduite de ma vie. Depuis que j’ai eu le malheur d’être nommé parmi les gens de lettres, j’ai eu pour ennemis tous les écrivains satiriques. Il n’est point d’insolences que je n’en aie reçues et patiemment endurées. Que l’on me cite de moi une épigramme, un trait mordant, une ironie, enfin une raillerie approchant du caractère de celle-ci, et je consens qu’on me l’impute ; mais, si j’ai dédaigné ces petites vengeances, si ma plume, toujours décente et modérée, n’a jamais trempé dans le fiel, pourquoi, sur la parole et sur la foi d’un homme que la colère aveugle, croit-on que cette plume ait commencé par distiller contre lui son premier venin ? Je suis calomnié, Madame, je le suis devant vous, je le suis devant ce bon roi, qui ne peut croire qu’on lui en impose ; et, sans la pitié généreuse que je viens d’inspirer à M. le duc de Choiseul, ni le roi, ni vous-même, vous n’auriez jamais su que je fusse calomnié. »

À peine j’achevois, on annonça le duc de Choiseul. Il n’avoit pas perdu de temps, car je l’avois