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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/17

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ville du Limosin, un tel homme seroit caché ? En matière de gouvernement, je n’en ai jamais vu de plus instruits ni de plus sages. » Ce fut ce digne ami de M. Odde qui me fit pour lui la demande de la main de ma sœur ; j’en fus flatté ; mais dans sa lettre je crus entrevoir l’espérance qu’Odde, par mon crédit, obtiendroit un emploi. Je répondis que je ferois pour lui tout ce qui me seroit possible ; mais que, mon crédit n’étant pas tel qu’on le croyoit dans ma province, je n’étois sûr de rien moi-même, et que je ne promettois rien. M. de Maleseigne me répliqua que ma bonne foi valoit mieux que des assurances légères, et le mariage fut conclu.

Ce fut un mois après que, Bouret venant travailler avec le ministre des finances pour remplir les emplois vacans, je dînai avec lui chez son ami Cromot. Difficilement auroit-on réuni deux hommes d’un esprit naturel plus vif, plus preste, plus fertile en traits ingénieux que ces deux hommes-là. Dans Cromot, cependant, l’on voyoit plus d’aisance, de grâce habituelle et de facilité ; dans Bouret, plus d’ardeur dans le désir de plaire et de bonheur dans l’à-propos. Tous les deux furent, à ce dîner, d’une gaieté qui l’anima, et au ton de laquelle je fus bientôt moi-même ; mais, au sortir de table, Bouret déploya une longue liste d’aspirans aux emplois vacans et de solliciteurs pour eux. Ces solliciteurs étoient tous gens considérables.