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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/184

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Le duc de Villars sembloit avoir voulu nous rendre témoins du gala qu’il donneroit chez lui la veille de la Fête-Dieu. En y arrivant le soir, nous y trouvâmes toute la bonne compagnie de la ville, le bal, grand jeu et grand souper.

Le lendemain, le mauvais temps nous priva du spectacle de la procession qu’on nous avoit si fort vantée. Nous en vîmes pourtant quelques échantillons par exemple, un crocheteur ivre, représentant la reine de Saba ; un autre, le roi Salomon ; trois autres, les rois mages, et tout cela crotté jusqu’aux oreilles. La reine de Saba n’en sautoit pas moins en cadence, et le roi Salomon n’en bondissoit pas moins derrière la reine de Saba. J’admirois le sérieux des Provençaux à ce spectacle, et nous eûmes grand soin d’imiter ce respect. J’eus pourtant quelquefois bien de la peine à ne pas rire. Je remarquai entre autres l’un de ces personnages qui, au bout d’une gaule, portoit un chiffon blanc, et derrière lui trois autres polissons qui faisoient dans la rue des mouvemens d’ivrognes toutes les fois que l’homme au chiffon blanc renversoit son bâton. Je demandai quel étoit le mystère que cela nous représentoit. « Ne voyez-vous pas, me répondit le notable à qui je parlois, que ce sont les trois mages que l’étoile conduit, et qui s’égarent de leur route dès que l’étoile disparoît ? » Je me contins. Rien