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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/209

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du poids de ses peines, de ses chagrins. Elle en eut un dont l’horreur est inexprimable : ce fut de voir ses anciens maîtres, ses bienfaiteurs, ses amis, le Dauphin, la Dauphine, frappés en même temps comme d’une invisible main, et, consumés de ce qu’elle appeloit un poison lent, se flétrir, sécher et s’éteindre[1]. Ce fut moi qui reçus ses regrets sur cette mort lente. Elle y mêloit des confidences qu’elle n’a faites qu’à moi seul, et dont le secret me suivra dans le silence du tombeau.

Mais des campagnes où je passois successivement les belles saisons de l’année, Maisons et Croix Fontaine étoient celles qui avoient pour moi le plus d’attraits. À Croix-Fontaine, ce n’étoient que des voyages ; mais toutes les voluptés du luxe, tous les raffinemens de la galanterie la plus ingénieuse et la plus délicate, y étoient réunis par l’enchanteur Bouret. Il étoit reconnu pour le plus obligeant des hommes et le plus magnifique. On ne parloit que de la grâce qu’il savoit mettre dans sa manière d’obliger. Hélas ! vous allez bientôt voir dans quel abîme de malheurs l’entraîna ce penchant aimable et funeste.

  1. Sur les soupçons d’empoisonnement qu’éveilla la mort du Dauphin et de la Dauphine, voir l’Espion dévalisé, p. 81-97, et la Vie privée de Louis XV, t.  IV p. 36.