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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/227

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que vous voulez me dire. — Je veux vous dire ce qu’il m’a dit ; Marivaux est un honnête homme qui ne m’en a pas imposé. Il m’expliquera donc lui-même ce que je n’entends pas, car de ma vie il n’a été, ni présent, ni absent, l’objet de mes plaisanteries. — Eh bien ! voyez-le donc, et tâchez, me dit-elle, de le dissuader : car, même dans ses plaintes, il ne dit que du bien de vous. » En traversant le jardin du Palais-Royal, sur lequel il logeoit, je le vis, et je l’abordai.

Il eut d’abord quelque répugnance à s’expliquer, et il me répétoit qu’il n’en seroit pas moins juste à mon égard lorsqu’il s’agiroit de l’Académie. « Monsieur, lui dis-je enfin avec un peu d’impatience, laissons l’Académie, elle n’est pour rien dans la démarche que je fais auprès de vous ; ce n’est point votre voix que je sollicite, c’est votre estime que je réclame, et dont je suis jaloux. — Vous l’avez entière, me dit-il. — Si je l’ai, veuillez donc me dire en quoi j’ai donné lieu aux plaintes que vous faites de moi. — Quoi ! me dit-il, avez-vous oublié que chez Mme Du Bocage, un soir, étant assis auprès de Mme de Villaumont, vous ne cessâtes l’un et l’autre de me regarder et de rire en vous parlant à l’oreille ? Assurément c’étoit de moi que vous riiez, et je ne sais pourquoi, car ce jour-là je n’étois pas plus ridicule que de coutume.