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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/24

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m’en fit me pénétra. Je fis des vers sur ce sujet touchant#1 ; l’intérêt du tableau fit le succès du peintre, et ces vers eurent à la cour au moins la faveur du moment, le mérite de l’à-propos. En les lisant, le prince et la princesse en furent touchés jusqu’aux larmes. Mme de Chalut fut chargée de me dire combien cette lecture les avoit attendris, et qu’ils seroient bien aises de me voir pour me le témoigner eux-mêmes. « Trouvez-vous, me dit-elle, demain à leur dîner ; vous serez content de l’accueil qu’ils se proposent de vous faire. » Je ne manquai pas de m’y rendre. Il y avoit peu de monde. J’étois placé vis-à-vis d’eux, à deux pas de la table, bien isolé et bien en évidence. En me voyant, ils se parlèrent à l’oreille, puis levèrent les yeux sur moi, et puis se parlèrent encore. Je les voyois occupés de moi ; mais l’un et l’autre alternativement sembloient laisser expirer sur leurs lèvres ce qu’ils avoient envie de me dire. Ainsi le temps du dîner se passa jusqu’au moment où il fallut m’en aller comme tout le monde. Mme de Chalut avoit servi à table, et vous jugez combien cette longue scène muette lui avoit causé d’impa- [1]

  1. Vers sur la maladie et la convalescence de Monseigneur le Dauphin, par M. Marmontel : Paris, Sébastien Jorry, 1752, in-4o, 21 p. ; p. 15, envoi à M. Chalut de Vérin, trésorier général de Madame la Dauphine. Le permis d’imprimer est signé par Crébillon père, comme censeur.