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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/28

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mais il avoit mal fait son épître dédicatoire. Mme de Pompadour, après l’avoir lue, lui dit de s’adresser à moi et de me prier de sa part de la retoucher avec soin. Je trouvai plus facile de lui en faire une autre ; et, en y parlant des cultivateurs, j’attachai à leur condition un intérêt assez sensible pour que Mme de Pompadour, à la lecture de cette épître, eût les larmes aux yeux. Quesnay s’en aperçut, et je ne puis vous dire combien il fut content de moi. Sa manière de me servir auprès de la marquise étoit de dire çà et là des mots qui sembloient lui échapper, et qui cependant laissoient des traces.

À l’égard de son caractère, je n’en rappellerai qu’un trait, qui va le faire assez connoître. Il avoit été placé là par le vieux duc de Villeroy et par une comtesse d’Estrades[1], amie et complaisante de Mme d’Étioles, qui, ne croyant pas réchauffer un serpent dans son sein, l’avoit tirée de la misère et amenée à la cour. Quesnay étoit donc attaché à Mme d’Estrades par la reconnoissance, lorsque cette intrigante abandonna sa bienfaitrice pour se livrer au comte d’Argenson, et conspirer avec lui contre elle.

  1. Élisabeth-Charlotte Huguet de Sémonville, veuve du comte d’Estrades, tué à la bataille de Dettingen, le 19 juillet 1743, fils de Charlotte Lenormand, sœur de Lenormand d’Étioles et de Lenormand de Tournehem. Mme d’Estrades se remaria à Séguier, comte de Saint-Brisson.