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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/29

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Il est difficile de concevoir qu’une aussi vilaine femme, dans tous les sens, eût, malgré la laideur de son âme et de sa figure, séduit un homme du caractère, de l’esprit et de l’âge de M. d’Argenson ; mais elle avoit à ses yeux le mérite de lui sacrifier une personne à qui elle devoit tout, et d’être, pour l’amour de lui, la plus ingrate des créatures.

Cependant, Quesnay, sans s’émouvoir de ces passions ennemies, étoit, d’un côté, l’incorruptible serviteur de Mme de Pompadour, et, de l’autre, le fidèle obligé de Mme d’Estrades, laquelle répondoit de lui à M. d’Argenson ; et quoique, sans mystère, il allât les voir quelquefois, Mme de Pompadour n’en avoit aucune inquiétude. De leur côté, ils avoient en lui autant de confiance que s’il n’avoit tenu par aucun lien à Mme de Pompadour.

Or, voici ce qu’après l’exil de M. d’Argenson me raconta Dubois, qui avoit été son secrétaire. C’est lui-même qui va parler ; son récit m’est présent, et vous pouvez croire l’entendre.

« Pour supplanter Mme de Pompadour, me dit-il, M. d’Argenson et Mme d’Estrades avoient fait inspirer au roi le désir d’avoir les faveurs de la jeune et belle Mme de Choiseul, femme du menin[1].

  1. François-Martial, comte de Choiseul-Beaupré, cousin ger-