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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/330

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vu, et surtout assez appris dans les confidences que me faisoit la jeune femme, pour juger que ces deux époux, en s’estimant l’un l’autre, ne s’aimeroient jamais.

Au printemps suivant, je fus encore de leur voyage en Touraine. Dans celui-ci, j’eus le plaisir de voir M. de Marigny pleinement réconcilié avec Mme de Séran ; hormis quelques momens d’humeur jalouse sur l’intimité des deux femmes, il fut assez aimable entre elles. À mon égard, il étoit si content de m’avoir pour médiateur qu’il m’offrit, en pur don, pour ma vie, auprès de Ménars, une jolie maison de campagne. Un petit bosquet, un jardin, un ruisseau de l’eau la plus pure, une retraite délicieuse située au bord de la Loire, rien de plus séduisant ; mais ce don étoit une chaîne, et je n’en voulois point porter.

À mon retour, ce fut à Maisons que je me rendis. Cette retraite avoit pour moi des charmes ; j’aimois tout ce qui l’habitoit, et je me flattois d’y être aimé. Je n’aurois pas été plus libre et plus à mon aise chez moi. Lorsque quelqu’un de mes amis vouloit me voir, il venoit à Maisons, et il y étoit bien reçu. Le comte de Creutz étoit celui qui s’y plaisoit le plus et qu’on y goûtoit davantage, parce qu’avec les qualités les plus rares du côté de l’esprit, il étoit simple et bon.

Un bosquet près d’Alfort étoit le lieu de repos