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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/331

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de nos promenades. Là, son âme se dilatoit et se déployoit avec moi. Les sentimens dont il étoit rempli, les tableaux que l’observation et l’étude de la nature avoient tracés dans sa mémoire, et dont son imagination étoit comme une riche et vaste galerie ; les hautes pensées que la méditation lui avoit fait concevoir, et que son esprit répandoit dans le mien avec abondance, soit qu’il parlât de politique ou de morale, des hommes ou des choses, des sciences ou des arts, me tenoient des heures entières attentif et comme enchanté. Sa patrie et son roi, la Suède et Gustave, objets de son idolâtrie, étoient les deux sujets dont il m’entretenoit le plus éloquemment et avec le plus de délices. L’enthousiasme avec lequel il m’en faisoit l’éloge s’emparoit si bien de mes esprits et de mes sens que volontiers je l’aurois suivi au delà de la mer Baltique.

L’un de ses goûts les plus passionnés étoit l’amour de la musique, et la bienfaisance étoit l’âme de toutes ses autres vertus.

Un jour il vint me conjurer, au nom de notre amitié, de tendre la main à un jeune homme qui étoit, disoit-il, au désespoir et sur le point de se noyer, si je ne le sauvois. « C’étoit un musicien, ajouta-t-il, plein de talent, et qui ne demande qu’un joli opéra-comique pour faire fortune à Paris. Il vient de l’Italie ; il a fait à Genève