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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/84

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Après sa banqueroute, réfugié au Temple, lieu de franchise alors pour les débiteurs insolvables, comme il recevoit tous les jours des mémoires de créanciers « Me voilà, disoit-il, logé au temple des mémoires. » Quand son hydropisie fut sur le point de l’étouffer, le vicaire du Temple étant venu lui administrer l’extrême-onction : « Ah ! Monsieur l’abbé, lui dit-il, vous venez me graisser les bottes ; cela est inutile, car je m’en vais par eau. » Le même jour il écrivit à son ami Collé, et, en lui souhaitant la bonne année par des couplets sur l’air


Accompagné de plusieurs autres,


il terminoit ainsi sa dernière gaieté :

De ces couplets soyez content ;
Je vous en ferois bien autant
Et plus qu’on ne compte d’apôtres ;
Mais, cher Collé, voici l’instant
Où certain fossoyeur m’attend,
Accompagné de plusieurs autres.


Le bonhomme Panard, aussi insouciant que son ami, aussi oublieux du passé et négligent de l’avenir, avoit plutôt dans son infortune la tranquillité d’un enfant que l’indifférence d’un philosophe. Le soin de se nourrir, de se loger, de se vêtir, ne le regardoit point : c’étoit l’affaire de ses amis, et il en avoit d’assez bons pour mériter cette