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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T2.djvu/85

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confiance. Dans les mœurs, comme dans l’esprit, il tenoit beaucoup du naturel simple et naïf de La Fontaine. Jamais l’extérieur n’annonça moins de délicatesse ; il en avoit pourtant dans la pensée et dans l’expression. Plus d’une fois, à table, et, comme on dit, entre deux vins, j’avois vu sortir de cette masse lourde et de cette épaisse enveloppe des couplets impromptu pleins de facilité, de finesse et de grâce. Lors donc qu’en rédigeant le Mercure du mois j’avois besoin de quelques jolis vers, j’allois voir mon ami Panard. « Fouillez, me disoit-il, dans la boîte à perruque. » Cette boîte étoit en effet un vrai fouillis où étoient entassés pêle-mêle, et griffonnés sur des chiffons, les vers de ce poète aimable.

En voyant presque tous ses manuscrits tachés de vin, je lui en faisois le reproche. « Prenez, prenez, me disoit-il, c’est là le cachet du génie. » Il avoit pour le vin une affection si tendre qu’il en parloit toujours comme de l’ami de son cœur ; et, le verre à la main, en regardant l’objet de son culte et de ses délices, il s’en laissoit émouvoir au point que les larmes lui en venoient aux yeux. Je lui en ai vu répandre pour une cause bien singulière ; et ne prenez pas pour un conte ce trait qui achèvera de vous peindre un buveur.

Après la mort de son ami Gallet, l’ayant trouvé