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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/17

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Vous avez, mes enfans, entendu dire mille fois par votre mère, et dans sa famille, quel étoit pour nous l’agrément de vivre avec M. de Saint-Lambert et Mme la comtesse d’Houdetot, son amie ; et quel étoit le charme d’une société où l’esprit, le goût, l’amour des lettres, toutes les qualités du cœur les plus essentielles et les plus désirables, nous attiroient, nous attachoient, soit auprès du sage d’Eaubonne, soit dans l’agréable retraite de la Sévigné de Sannois. Jamais deux esprits et deux âmes n’ont formé un plus parfait accord de sentimens et de pensées ; mais ils se ressembloient surtout par un aimable empressement à bien recevoir leurs amis. Politesse à la fois libre, aisée, attentive ; politesse d’un goût exquis, qui vient du cœur, qui va au cœur, et qui n’est bien connue que des âmes sensibles.

Nous avions été, Saint-Lambert et moi, des sociétés du baron d’Holbach, d’Helvétius, de Mme Geoffrin ; nous fûmes aussi constamment de celle de Mme Necker ; mais, dans celle-ci, je datois de plus loin que lui : j’en étois presque le doyen.

C’est dans un bal bourgeois, circonstance assez singulière, que j’avois fait connoissance avec Mme Necker, jeune alors, assez belle, et d’une fraîcheur éclatante, dansant mal, mais de tout son cœur.