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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/18

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À peine m’eut-elle entendu nommer qu’elle vint à moi avec l’air naïf de la joie. « En arrivant à Paris, me dit-elle, l’un de mes désirs a été de connoître l’auteur des Contes moraux. Je ne croyois pas faire au bal une si heureuse rencontre. J’espère que ce ne sera pas une aventure passagère. Necker, dit-elle à son mari en l’appelant, venez vous joindre à moi pour engager M. Marmontel, l’auteur des Contes moraux, à nous faire l’honneur de nous venir voir. » M. Necker fut très civil dans son invitation ; je m’y rendis. Thomas étoit le seul homme de lettres qu’ils eussent connu avant moi ; mais bientôt, dans le bel hôtel où ils allèrent s’établir, Mme Necker, sur le modèle de la société de Mme Geoffrin, choisit et composa la sienne.

Etrangère aux mœurs de Paris, Mme Necker n’avoit aucun des agrémens d’une jeune Françoise. Dans ses manières, dans son langage, ce n’étoit ni l’air, ni le ton d’une femme élevée à l’école des arts, formée à l’école du monde. Sans goût dans sa parure, sans aisance dans son maintien, sans attrait dans sa politesse, son esprit, comme sa contenance, étoit trop ajusté pour avoir de la grâce.

Mais un charme plus digne d’elle étoit celui de la décence, de la candeur, de la bonté. Une éducation vertueuse et des études solitaires lui avoient