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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/20

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pouvoir être reçues dans le style élevé, comme : faire l’amour, aller voir ses amours, commencer à voir clair ; prenez votre parti ; pour bien faire, il faudroit ; non, vois-tu : faisons mieux, etc. Elle les rejeta comme indignes du style noble. « Racine, lui dis-je, a été moins difficile que vous : il les a toutes employées », et je lui en fis voir les exemples. Mais son opinion, une fois établie, étoit invariable ; et l’autorité de Thomas ou celle de Buffon étoient pour elle un article de foi.

On eût dit qu’elle réservoit la rectitude et la justesse pour la règle de ses devoirs. Là, tout étoit précis et sévèrement compassé ; les amusemens même qu’elle sembloit vouloir se procurer avoient leur raison, leur méthode.

On la voyoit tout occupée à se rendre agréable à sa société, empressée à bien recevoir ceux qu’elle avoit admis, attentive à dire à chacun ce qui pouvoit lui plaire davantage ; mais tout cela étoit prémédité, rien ne couloit de source, rien ne faisoit illusion. Ce n’étoit point pour nous, ce n’étoit point pour elle qu’elle se donnoit tous ces soins : c’étoit pour son mari. Nous le faire connoître, lui concilier nos esprits, faire parler de lui avec éloge dans le monde, et commencer sa renommée, tel fut le principal objet de la fondation de sa société littéraire. Mais il falloit encore que son salon, que son