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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/328

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pères pouvoit réprimer les enfans ; la morale, par ses principes d’humanité, d’équité, de pudeur, pouvoit régénérer des races corrompues. Le projet de dépravation fut formé sous tous ces rapports. Nous entendîmes proclamer l’incrédulité, le blasphème ; nous vîmes le libertinage affecter le mépris d’un Dieu, le sacrilège insulter les autels, et le crime s’enorgueillir de l’espérance du néant ; nous vîmes rompre tous les nœuds de subordination formés par la nature ; les enfans, rendus par les lois indépendans des pères, n’eurent qu’à souhaiter leur mort pour être sûrs, sans leur aveu et en dépit de leur volonté, de se partager leur dépouille. Le nœud conjugal étoit encore le moyen de perpétuer les vertus domestiques, et de tenir liés ensemble les époux l’un à l’autre et avec leurs enfans on rendit ce lien fragile à volonté ; le mariage ne fut plus qu’une prostitution légale, qu’une liaison passagère, que le libertinage, le caprice, l’inconstance, pouvoient former et dissoudre à leur gré. Enfin, l’honnêteté, la foi publique, la¸décence, le respect de soi-même et de l’opinion, la vénération qu’inspiroit la sainte image de la vertu, offroient encore un point de ralliement aux âmes susceptibles des mouvemens du repentir, des impressions de l’exemple. Tout cela fut détruit. On professa, on érigea en maximes de mœurs républicaines l’impudence du vice, l’audace de la honte,