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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/329

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l’émulation de la licence, jusqu’à la plus effrénée dissolution ; et le système de Mirabeau et du duc d’Orléans, ce système dépravateur d’une génération entière, parut régner en France. Ainsi s’étoit formé ce despotisme révolutionnaire, ce colosse de fange pétri et cimenté de sang.

Tout confinés que nous étions dans notre chaumière d’Abloville, où nous avions passé en quittant Couvicourt, nous ne laissions pas de redouter un siècle si corrompu pour nos enfans, et nous employions tous nos soins à les prémunir d’une éducation salutaire et préservative, lorsque la mort presque soudaine de leur fidèle instituteur vint ajouter à nos chagrins une affliction domestique qui acheva de nous accabler. Une fièvre pourprée, d’une extrême malignité, nous enleva cet excellent jeune homme. Nos enfans doivent se souvenir de la douleur que nous causa sa perte, et de la frayeur que nous eûmes de les voir exposés eux-mêmes à l’air contagieux d’une maladie pestilentielle.

Nous ne savions que devenir, leur mère et moi, et notre dernière ressource étoit d’aller chercher un refuge dans quelque hôtellerie de Vernon, lorsqu’on nous suggéra l’idée de demander l’asile à un vénérable vieillard qui, dans le village d’Aubevoie, peu éloigné du nôtre, habitoit une maison assez considérable pour nous y loger tous sans