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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/39

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les jours c’étoit à qui feroit mieux rire son monde.

C’est ainsi que fut composé mon poème sur la musique pour la défense de Piccini ; peut-être aurois-je mieux fait de laisser parler Roland, Atys, Didon, etc. ; mais je n’ai pas toujours fait ce qu’il y avoit de mieux à faire ; et j’avoue que, cette fois, je ne crus pas son injure et la mienne assez vengées par le silence du mépris. Au reste, si d’une dispute aussi frivole et aussi éphémère j’ai fait un poème en douze chants, ce sont les incidens qui m’y ont engagé, et par une pente insensible. J’aurois pu, je l’avoue, mieux employer mon temps ; mais mon travail habituel exigeoit du relâche, et c’étoient ces momens de dissipation et de délassement que je donnois à Polymnie.

Le temps de mon séjour à Saint-Brice fut marqué par un événement d’un intérêt plus sérieux : ce fut la retraite de M. Necker du ministère des finances[1]. J’ai déjà dit que son caractère n’étoit rien moins que séduisant. Il ne m’avoit jamais donné lieu de croire qu’il fût mon ami. Je n’étois pas le sien ; mais, comme il me marquoit autant d’estime et de bienveillance que j’en pouvois attendre d’un homme aussi froidement poli, et que, de mon côté, j’avois une haute opinion de

  1. Le 21 mai 1781.