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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/38

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Pourquoi donc, au moment de la querelle sur la musique, avois-je été moins impassible ? C’est que je n’étois pas le seul insulté par mes adversaires, et que j’avois à venger un artiste inhumainement attaqué dans ses intérêts les plus chers.

Piccini étoit père de famille, et d’une famille nombreuse qui subsistoit du fruit de son travail ; son caractère paisible et doux le rendoit plus intéressant encore. Je le voyois seul, sans intrigue, travailler de son mieux à plaire à un nouveau public ; et je voyois en même temps une cabale impitoyable l’assaillir avec furie, comme un essaim de guêpes. J’en témoignai mon indignation ; la cabale en fut irritée, et les guêpes tournèrent contre moi tous leurs aiguillons.

Les chefs de la cabale avoient une presse à leurs ordres pour imprimer leurs facéties, et un journal pour les répandre. J’y étois insulté tous les jours. Je n’avois pas la même commodité pour me défendre ; et, quand je l’aurois eue, cette petite guerre n’auroit pas été de mon goût. Cependant je voulois m’égayer à mon tour, car me fâcher contre des railleurs, c’eût été faire un triste personnage.

J’imaginai de mettre en action leur intrigue et de les peindre au naturel, n’ayant, pour les rendre plaisans, qu’à rimer leur propre langage. Ils imprimoient leur prose, je récitois mes vers ; et tous