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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/66

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dont je me fais un devoir envers vous en est un pour vous envers moi ; vous avez les défauts qui sont naturels à la force, et moi j’ai ceux de la foiblesse. La trempe de votre âme peut donner à la mienne plus de vigueur et de ressort ; et j’exige de vous de ne me passer rien qui sente la mollesse et la timidité. Ainsi, dans l’occasion, je pourrai vous donner des conseils de prudence et de modération, et vous m’en donnerez de résolution et de fermeté courageuse. » La convention fut réciproque, et par là furent écartés les nuages qu’auroit élevés entre nous l’amour-propre ou la vanité.

La même année que mon ami fut reçu à l’Académie, elle perdit Thomas, l’un de ses plus illustres membres, et l’un des hommes les plus recommandables par l’intégrité de ses mœurs et l’excellence de ses écrits.

L’intégrité, l’égalité d’une vie irrépréhensible : le rare éloge, mes enfans ! et qui l’a mérité, cet éloge, mieux que Thomas ? Il est bien vrai qu’une partie en étoit due à la nature : il étoit né sage, et il eut la sagesse de tous les âges de la vie. Tempérant, sobre et chaste, aucun des vices de la mollesse, du luxe et de la volupté, n’eut accès dans son âme. Aucune passion violente n’en troubla la tranquillité, il ne connut des plaisirs sensuels que ce qui en étoit innocent ; encore n’en jouissoit-il qu’avec une extrême réserve. Toute la