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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/7

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conserver l’emploi qu’il avoit à Saumur, ma petite fortune ajoutée à la sienne nous auroit fait vivre dans une honnête aisance. Ainsi, lorsque le monde et moi nous aurions été las, ennuyés l’un de l’autre, ma vieillesse avoit un asile honorable et plein de douceur. Dans cette heureuse confiance, je me laissois aller, comme vous avez vu, au courant de la vie, et sans inquiétude je me voyois sur mon déclin.

Mais lorsque j’eus perdu ma sœur et ses enfans ; lorsque, dans sa douleur, Odde, abandonnant une ville où il ne voyoit plus que des tombeaux, et, renonçant à son emploi, se fut retiré dans sa patrie, mon avenir, si serein jusqu’alors, s’obscurcit à mes yeux ; je ne vis plus pour moi que les dangers du mariage, ou que la solitude d’un triste célibat et d’une vieillesse abandonnée.

Je redoutois dans le mariage des chagrins domestiques qu’il m’auroit été impossible d’essuyer sans mourir, et dont je voyois mille exemples ; mais un malheur plus effrayant encore étoit celui d’un vieillard obligé, ou d’être le rebut du monde, en y traînant une ennuyeuse et infirme caducité, ou de rester seul, délaissé, à la merci de ses valets, livré à leur dure insolence et à leur servile domination.

Dans cette situation pénible, j’avois tenté plus d’une fois de me donner une compagne, et d’ad-