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Page:Marmontel - Mémoires de Marmontel - M. Tourneux, Lib. des biolio., 1891, T3.djvu/8

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opter une famille qui me tînt lieu de celle que la mort avoit moissonnée autour de moi ; mais, par une heureuse fatalité, aucun de mes projets ne m’avoit réussi, lorsque je vis arriver à Paris la sœur et la nièce de mes amis MM. Morellet. Ce fut un coup du Ciel.

Cependant, tout aimables qu’elles me sembloient l’une et l’autre la mère, par un caractère de franchise, de cordialité, de bonté ; la fille, par un air de candeur et de modestie qui, joint à la beauté, l’embellissoit encore ; toutes les deux, par un langage où j’aperçus sans peine autant d’esprit que de raison, je n’imaginois pas qu’à cinquante ans passés je fusse un mari convenable à une personne qui n’avoit guère que dix-huit ans. Ce qui m’éblouissoit en elle, cette fleur de jeunesse, cet éclat de beauté, tant de charmes que la nature avoit à peine achevé de former, étoit ce qui devoit éloigner de moi l’espérance, et, avec l’espérance, le désir de la posséder.

Je ne vis donc pour moi, dans cette agréable aventure, que l’avantage d’une nouvelle et charmante société.

Soit que Mme de Montigny fût prévenue en ma faveur, soit que ma bonhomie lui convînt au premier abord, elle fut bientôt avec l’ami de ses frères comme avec un ancien ami qu’elle-même auroit retrouvé. Nous soupâmes ensemble.