Page:Marot - Œuvres, éd. d’Héricault, 1867.djvu/141

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D’honnesteté congnoist bien les adresses.[1]
Voyla comment Amour-Ferme t’excuse
De ce de quoy Doubte si fort t’accuse."
   Et m’ont tenu longuement en ce poinct.
L’ung dict :"Escry." L’autre dict : « N’escry point. »
Puis l’ung m’attraict, puis l’autre me reboute ;
Mais à la fin Amour a vaincu Doubte.
   Doubte vouloit lyer de sa cordelle
Ma langue et main ; mais tout en despit d’elle
Amour a faict ma langue desployer,
Et ma main dextre à t’escrire employer,
Pour t’advertir que, puis le mien départ,
Tant de malheurs,[2] dont j’ay receu ma part,
Tumbez sur nous, n’ont point eu la puissance
De te jecter hors de ma congnoissance.
Voire, et combien qu’au camp il n’y eust âme
Parlant d’amour, de damoyselle ou dame,
Mais seulement de courses et chevaulx,
De sang, de feu, de guerre et de travaulx.
Ce nonobstant, avecques son contraire,[3]
Amour venoit en mon cueur se retraire[4]
Par le record[5] qui de toy m’advenoit.
D’aultre, pour vray, tant peu me souvenoit,
Que, si de toy cela ne fust venu,
Certes jamais ne me fust souvenu
D’amour, de dame, ou damoyselle aulcune;
Car tu es tout quant à moy et n’es qu’une.[6]

  1. La route.
  2. Allusion à la bataille de Pavie.
  3. Malgré haine et guerre , qui sont le contraire d’amour.
  4. Se cacher.
  5. Par le souvenir.
  6. Et il n’y a pour moi qu’une femme , qui est toi.