Page:Marot - Œuvres, éd. d’Héricault, 1867.djvu/142

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   Que diray plus du combat rigoreux ?
Tu sçais assez que le sort malheureux
Tumba du tout sur nostre nation.
Ne sçay si c’est par destination ;[1]
Mais tant y a que je croy que Fortune
Désiroit fort de nous estre importune.
   Là fut percé tout oultre rudement
Le bras de cil qui t’ayme loyaulment :
Non pas le bras dont il a de coustume
De manier, ou la lance , ou la plume ;
Amour encor le te garde et réserve,
Et par escriptz veult que de loing te serve.
   Finablement avec le Roy, mon maistre ,
Delà les monts prisonnier se veit estre
Mon triste corps, navré en grand souffrance.
Quant est du cueur, long temps y a qu’en France
Ton prisonnier il est sans mesprison.
Or est le corps sorty hors de prison ;
Mais quant au cueur, puis que tu es la garde
De sa prison , d’en sortir il n’a garde ;
Car tel prison luy semble plus heureuse
Que celle au corps ne sembla rigoreuse,
Et trop plus ayme estre serf en tes mains,
Qu’en liberté parmy tous les humains.
   Aussi fut prins maint roy, maint duc et conte
En ce conflict, dont je laisse le compte ;[2]
Car que me vault d’inventer et de querre
En cas d’amour[3] tant de propos de guerre ?

  1. Par force de destinée, prédestination.
  2. Nous imitons Marot ; toutes les histoires contiennent la facile énumération des grands seigneurs qui furent pris ou tués à Pavie.
  3. De chercher à propos d’amour.