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Page:Marot - Les Œuvres, t. 3, éd. Guiffrey, 1881.djvu/276

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En regardant si parfaicte beaulté
De non sentir sa doulce cruauté.
Bien croy, qu’au faict onc ne t’esvertuas :
Car celle amour qu’en toy party tu as,
Ta foy loyalle, et tes façons pudiques
Vaincroient d’un coup cent Dardes Cupidiques.
Ta Lettre m’a maint plaisir faict sentir,
Mais le plus grand (il n’en fault point mentir)
C’est le rapport de la bonne vinée
De pardelà : car par chascune année
Me conviendra luy livrer les assaulx,
Puis qu’en Amours j’ay jecté mes grands saultz.
A dire vray je deviens vieille Lame,
Et ne puis bien croyre, qu’aulcune Dame
(Tant que tu dis) s’enquiere, et se soucie
De mon estat : neantmoins, te mercie,
Si quelcquefoys de moy tiennent ensemble
Aulcun propos : car par cela me semble
Que Cupido (sans de rien me priser)
En vieil Souldart me veult favoriser.
Or si tu m’as (ainsi comme je pense)
Mis en leur grâce, aulcune recompense
Fors que d’amour à toy n’en sera faicte :
Mais dy leur bien, qu’à toutes je soubhaicte,
Que les soubhaictz, qui d’elles seront faictz,
Deviennent tous accomplis, et parfaictz.
Te suppliant donner Salut pour moy
A celles là, desquelles sans esmoy
Nous devisions, passant mélancolie
Sur le chemin des Alpes d’Italie.
Et pour l’Adieu de ma Lettre, t’afferme
Que nonobstant que nostre Amytié ferme
Tousjours florisse en sa verdeur frequente,
Certes encor ton Epistre eloquente
Pres du Ruisseau Caballin composée,
Luy a servi d’une doulce Rosée,
Qui reverdir la faict, et eslever,
Comme la Rose au plaisant temps de Ver.