Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/415

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Mais si tu veulx chanter dix fois dix Vers,
En deplorant la Bergere Loyse,
Des Coings auras six jaulnes, et six verts,
Les mieulx sentans qu’on vit depuis Moyse.
Et si tes Vers sont d’aussi bonne mise,
Que les derniers que tu fis d’Ysabeau,
Tu n’auras pas la chose qu’ay promise,
Ains beaucoup plus, et meilleur, et plus beau.
De moy auras ung double Chalumeau
Faict de la main de Raffy Lyonnoys :
Lequel (à peine) ay eu pour ung Chevreau
Du bon Pasteur Michau, que tu congnois.
Jamais encor n’en sonnay que une fois,
Et si le garde aussi cher, que la vie :
Si l’auras tu de bon cueur toutesfois,
Faisant cela à quoy je te convie.

Colin

Tu me requiers de ce, dont j’ay envie.
Sus donc mes Vers, chantez chants doloreux,
Puis que la Mort a Loyse ravie,
Qui tant tenoit noz Courtilz vigoreux.
Or sommes nous maintenant malheureux,
Plus estonnez de sa mortelle absence,
Que les Aigneaulx à l’heure qu’entour eulx
Ne trouvent pas la Mere qui les pense.
Plorons Bergers, Nature nous dispense :
Plorons la Mere au grand Berger d’icy :
Plorons la Mere à Margot d’excellence,
Plorons la Mere à nous aultres aussi.
O grand Pasteur, que tu as de soucy :
Ne sçay lequel, de toy ou de ta Mere
Me rend le plus de tristesse noircy :
Chantez mes Vers, chantez douleur amere.
Lors que Loyse en sa Loge prospere
Son beau mesnage en bon sens conduysoit,
Chascun Pasteur, tant fust il riche Pere,
Lieu là dedans pour sa Fille eslisoit.
Aulcunesfois Loyse s’advisoit
Les faire seoir toutes soubz ung grand Orme,