Page:Marot - Les Œuvres, t. 4, éd. Guiffrey, 1929.djvu/416

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Et elle estant au millieu, leur disoit,
Filles il fault, que d’ung poinct vous informe.
Ce n’est pas tout, qu’avoir plaisante forme,
Bordes, trouppeaux, riche Pere, et puissant :
Il fault preveoir que Vice ne difforme
Par long repos vostre aage florissant.
Oysiveté n’allez point nourrissant,
Car elle est pire entre jeunes Bergeres,
Qu’entre Brebis ce grand Loup ravissant,
Qui vient au soir tousjours en ses Fougeres.
A travailler soyez doncques legeres :
Que Dieu pardoint au bon homme Roger,
Tousjours disoit, que chez les Mesnageres
Oysiveté ne trouvoit à loger.
Ainsi disoit la Mere au grand Berger,
Et à son dict travailloient Pastourelles :
L’une plantoit herbes en ung Verger :
L’autre paissoit Coulombs, et Tourterelles :
L’autre à l’Aiguille ouvroit choses nouvelles :
L’autre (en apres) faisoit Chappeaux de fleurs :
Or maintenant ne font plus rien les belles,
Sinon ruisseaux de larmes, et de pleurs.
Convertis ont leurs danses en douleurs,
Le Bleu en Brun, le Vergay en Tanné :
Et leurs beaulx tainctz en maulvaises couleurs :
Chantez mes Vers, chantez dueil ordonné.
Des que la Mort ce grand coup eut donné,
Tous les plaisirs Champestres s’assoupirent :
Les petits Ventz alors n’ont hallené,
Mais les fors Vents encores en souspirent.
Fueilles, Fruictz des arbres abbatirent :
Le cler Soleil chaleur plus ne rendit :
Du manteau vert les Prez se devestirent,
Le Ciel obscur larmes en respendit.
Le grand Pasteur sa Musette fendit,
Ne voulant plus que de pleurs se mesler,
Dont son Trouppeau (qui plaindre l’entendit)
Laissa le paistre, et se print à besler.
Et quand Margot ouyt tout reveler,
Son gentil cueur ne fut assez habile
Pour garder l’œil de larmes distiller,