Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/14

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De l’envoyer vers toy (mon reconfort)
Car (pour certain) Doubte advertissoit fort
Le mien esprit de ne la commencer,
Ne devers toy en chemin l’advancer.
Incessamment venoit Doubte me dire,
Homme abusé, que veulx tu plus escrire ?
Tous tes escriptz envoyez à fiance
Sont mis au fons du coffre d’oubliance.
N’as tu point d’yeux ? ne vois tu pas que celle,
Où tu escriz, ses nouvelles te cele ?
Si tes Envoys luy fussent agreables,
Ele t’eust faict responces amyables.
Croy moy, Amy, que les choses peu plaisent,
Quand on les voyt, si les Voyans se taisent.
Ainsi disoit Doubte plaine d’esmoy :
Mais Ferme amour, qui estoit avecq moy,
Me dist (Amant) il fault que tu t’asseures :
Te convient il doubter en choses seures ?
Sçais tu pas bien, qu’en cueur de noble Dame
Loger ne peult ingratitude infâme ?
S’elle a de toy quelcque escript apperceu,
Croy qu’à grand joye aura esté receu,
Leu, et releu, baisé, et rebaisé,
Puis mys à part comme ung Tresor prisé.
Et si pour toy ne mect Lettres en voye,
Crainte ne veult que vers toy les envoye :
Car bien souvent Lettres, et Messagers
Les Dames font tomber en gros dangers.
Parquoy, Amy, ne laisse point à prendre
La plume en main, en luy faisant apprendre,
Que quand jamais elle ne t’escriroit,