Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/15

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Jà pour cela t’amour ne periroit.
Si par amour le fais (comme je pense)
Mal n’en viendra, mais plustost recompense :
Pource que chose estant d’amour venue
Voulentiers est par amour recongneue.
Recongnois doncq, que celle où tu t’adresses,
D’honnesteté congnoist bien les adresses.
Voylà comment Amour ferme t’excuse
De ce, de quoy Doubte si fort t’accuse :
Et m’ont tenu longuement en ce poinct.
L’ung dict, escry : l’autre dict, n’escry point :
Puis l’ung m’attraict : puis l’autre me reboute :
Mais à la fin Amour a vaincu Doubte.
Doubte vouloit lyer de sa cordelle
Ma langue, et main : mais tout en despit d’elle
Amour a faict ma langue desployer,
Et ma main dextre à t’escrire employer,
Pour t’advertir, que puis le mien depart,
Tant de malheurs, dont j’ay receu ma part,
Tumbez sur nous n’ont point eu la puissance
De te jecter hors de ma congnoissance :
Voire et combien qu’au Camp il n’y eust âme
Parlant d’Amours, de Damoyselle, ou Dame,
Mais seulement de Courses, et Chevaulx,
De Sang, de Feu, de Guerre, et de Travaulx :
Ce nonobstant avecques son contraire
Amour venoit en mon cueur se retraire
Par le record, qui de toy me advenoit.
D’aultre (pour vray) tant peu me souvenoit,
Que si de toy cela ne fust venu,
Certes jamais ne me fust souvenu
D’amour, de Dame, ou Damoyselle aulcune :
Car tu es tout (quand à moy) et n’es, qu’une.
Que diray plus du combat rigoreux ?