Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/18

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Et s’endormir au son de l’eaue qui bruyt,
Ou escouter la Musique, et le bruyt
Des Oyselletz painctz de couleurs estranges
Comme Mallars, Merles, Mauviz, Mesanges,
Pinsons, Pivers, Passes, et Passerons.
En ce plaisir le temps nous passerons :
Et n’en sera (ce croy je) offensé Dieu,
Puis que la Guerre à l’Amour donne lieu.
Mais s’il advient, que la Guerre s’esbranle,
Lors conviendra dancer d’un autre branle :
Laisser fauldra Boys, Sources, et Ruisseaulx,
Laisser fauldra Chasse, Chiens, et Oyseaulx,
Laisser fauldra d’Amours les petitz dons,
Poursuivre aux Champs Estandars, et Guydons :
Et lors chascun ses forces reprendra,
Et pour l’amour de s’Amye tendra
A recouvrer Gloire, Honneur, et Butins,
Faisant congnoistre aux Espaignolz mutins,
Que longuement Fortune variable
En ung lieu seul ne peult estre amyable.
Tant plus les a Fortune autorisez,
Tant moins seront en fin favorisez,
Car la Fortune est pour ung Verre prise,
Qui tant plus luist, plustost se casse, et brise.
Voyla comment avecques Dieu j’espere,
Que nous aurons la Fortune prospere.
Si ne sçay plus que t’escrire, ou mander,
Fors seulement de te recommander
Cil, qui vers toy ceste lettre transmect :
Et si pour luy ta main blanche ne mect
La Plume en œuvre, au moins (quoy qu’il advienne)
Fais, que de luy quelcque fois te souvienne.